Jamais sans ma Vespa !
Ou le meilleur moyen de s'intégrer au Vietnam.
Perdu dans le flot des motos et des voitures dans la rue Hai Ba Trung ou prenant l'air, le soir, au
bord du Lac de l'Ouest, c'est toujours sur ma Vespa que je me déplace à Hanoï: traverser les ruelles du quartier de Ba Dinh pour aller au travail, rouler à vive allure au mépris des feux rouges et des obstacles sur les grandes avenues menant au quartier français, côtoyer les vendeurs à vélo, les déménageurs à moto ou les riches vietnamiens dans leur Mercedes, rouler au milieu d'un parc pour éviter les bouchons, dépasser les motos chargées de 2, 3, 4, 5 personnes, toute une famille ! Ma vie à Hanoï est liée à ma moto.
Les regards de connivence qui viennent de se poser sur la calandre ou les roues, le sourire amusé des Hanoïens qui me voient prêt à démarrer au feu vert dans une rue embouteillée, l'attention protectrice et approbatrice des gardiens du parking, sont autant de signes que la moto est ici un facteur d'intégration…surtout avec une Vespa ! Le mythe Vespa est encore très vivace au Vietnam et les plus anciens modèles se vendent une fortune.
Mon choix s'est vite orienté vers ce modèle populaire - bien que plus cher - et maniable. C'est l'Italie de mes origines métissée avec le Vietnam où je prétends vivre. La moto, Vespa ou non, est d'ailleurs le seul moyen de vivre au rythme des Hanoïens, de se déplacer d'un bout à l'autre de la ville en conservant toute liberté de mouvement. Je la chevauche devant ma porte, garée dans la minuscule cour d'une maison vietnamienne à la forme de colonne, jusqu'au parking improvisé situé devant le bar, le restaurant ou le magasin que je visite. Pas de piétons sur les trottoirs ! Les motos ont toujours la priorité.
Dans ce chaos apparent qu'est la circulation à Hanoï, la moto est le meilleur choix. Elle s'impose aux piétons, vélos - électriques - et aux voitures trop peu maniables. Elle est pour quelques années encore la signature du Vietnam qui vient tout juste d'abandonner le vélo et n'a pas encore adopté la voiture.
Alors c'est décidé, jamais sans ma Vespa !
Une déclaration d'amitié paradoxale entre la France et l'Italie, signée Victor Hugo dans une lettre à l'éditeur italien de Les Misérables:
"Vous avez raison, monsieur, quand vous me dites que le livre les Misérables est écrit pour tous les peuples. Je ne sais s’il sera lu par tous, mais je l’ai écrit pour tous. Il s’adresse à l’Angleterre autant qu’à l’Espagne, à l’Italie autant qu’à la France, à l’Allemagne autant qu’à l’Irlande, aux républiques qui ont des esclaves aussi bien qu’aux empires qui ont des serfs. Les problèmes sociaux dépassent les frontières. Les plaies du genre humain, ces larges plaies qui couvrent le globe, ne s’arrêtent point aux lignes bleues ou rouges tracées sur la mappemonde. Partout où l’homme ignore et désespère, partout où la femme se vend pour du pain, partout où l’enfant souffre faute d’un livre qui l’enseigne et d’un foyer qui le réchauffe, le livre les Misérables frappe à la porte et dit : Ouvrez-moi, je viens pour vous.
À l’heure, si sombre encore, de la civilisation où nous sommes, le misérable s’appelle l’homme ; il agonise sous tous les climats, et il gémit dans toutes les langues. Votre Italie n’est pas plus exempte du mal que notre France. Votre admirable Italie a sur la face toutes les misères. Est-ce que le banditisme, cette forme furieuse du paupérisme, n’habite pas vos montagnes ? Peu de nations sont rongées plus profondément que l’Italie par cet ulcère des couvents que j’ai tâché de sonder. Vous avez beau avoir Rome, Milan, Naples, Palerme, Turin, Florence, Sienne, Pise, Mantoue, Bologne, Ferrare, Gênes, Venise, une histoire héroïque, des ruines sublimes, des monuments magnifiques, des villes superbes, vous êtes, comme nous, des pauvres. Vous êtes couverts de merveilles et de vermines. Certes le soleil de l’Italie est splendide, mais, hélas, l’azur sur le ciel n’empêche pas le haillon sur l’homme.
Vous avez comme nous des préjugés, des superstitions, des tyrannies, des fanatismes, des lois aveugles prêtant main-forte à des mœurs ignorantes. Vous ne goûtez rien du présent ni de l’avenir sans qu’il s’y mêle un arrière-goût du passé. Vous avez un barbare, le moine, et un sauvage, le lazzarone. La question sociale est la même pour vous comme pour nous. On meurt un peu moins de faim chez vous, et un peu plus de fièvre ; votre hygiène sociale n’est pas beaucoup meilleure que la nôtre ; les ténèbres, protestantes en Angleterre, sont catholiques en Italie ; mais, sous des noms différents, le vescovo est identique au bishop, et c’est toujours là de la nuit, et à peu près de même qualité. Mal expliquer la Bible ou mal comprendre l’Évangile, cela se vaut. Faut-il insister ? faut-il constater plus complètement encore ce parallélisme lugubre ? Est-ce que vous n’avez pas d’indigents ? Regardez en bas. Est-ce que vous n’avez pas de parasites ? Regardez en haut. Cette balance hideuse dont les deux plateaux, paupérisme et parasitisme, se font si douloureusement équilibre, est-ce qu’elle n’oscille pas devant vous comme devant nous ? Où est votre armée de maîtres d’école, la seule armée qu’avoue la civilisation ? où sont vos écoles gratuites et obligatoires ? Tout le monde sait-il lire dans la patrie de Dante et de Michel-Ange ? Avez-vous fait des prytanées de vos casernes ? N’avez-vous pas, comme nous, un budget de la guerre opulent et un budget de l’enseignement dérisoire ? N’avez-vous pas, vous aussi, l’obéissance passive qui, si aisément, tourne au soldatesque ? N’avez-vous pas un militarisme qui pousse la consigne jusqu’à faire feu sur Garibaldi, c’est-à-dire sur l’honneur vivant de l’Italie ? Faisons passer son examen à votre ordre social, prenons-le où il en est et tel qu’il est, voyons son flagrant délit, montrez-moi la femme et l’enfant. C’est à la quantité de protection qui entoure ces deux êtres faibles que se mesure le degré de civilisation. La prostitution est-elle moins poignante à Naples qu’à Paris ? Quelle est la quantité de vérité qui sort de vos lois et la quantité de justice qui sort de vos tribunaux ? Auriez-vous par hasard le bonheur d’ignorer le sens de ces mots sombres : vindicte publique, infamie légale, bagne, échafaud, bourreau, peine de mort ? Italiens, chez vous comme chez nous, Beccaria est mort et Farinace est vivant. Et puis, voyons votre raison d’état. Avez-vous un gouvernement qui comprenne l’identité de la morale et de la politique ? Vous en êtes à amnistier les héros ! On a fait en France quelque chose d’à peu près pareil. Tenez, passons la revue des misères, que chacun apporte son tas, vous êtes aussi riches que nous. N’avez-vous pas, comme nous, deux damnations, la damnation religieuse prononcée par le prêtre et la damnation sociale décrétée par le juge ? O grand peuple d’Italie, tu es semblable au grand peuple de France. Hélas ! nos frères, vous êtes comme nous « des Misérables ». "
PIOGGIA OBLIQUA
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